Récit de Theresa : Avantages des interactions avec les ainés et les gardiens du savoir1

Se reportant à sa participation à un programme de perfectionnement professionnel d’un an, Theresa raconte certaines de ses expériences à l’école secondaire où elle enseigne, qui compte un bon nombre d’élèves autochtones, et ce qu’elle en a retiré. Son récit figure dans un manuel qui traite de différents sujets auxquels des enseignants ayant participé au programme donnent corps en relatant ce qu’ils ont vécu. Voici ce que rapporte Theresa.

[Traduction libre] J’incluais déjà des récits et de l’information sur les Autochtones dans mon enseignement au secondaire avant l’année en cours, mais j’avais le sentiment de ne pas vraiment bien les comprendre moi-même. Je répétais seulement ce que j’avais lu, et mes élèves percevaient mon manque de confiance sous ce rapport. Cela transparaissait dans leur hésitation à accepter ce que je leur enseignais ou même à s’y intéresser. Ils me voyaient probablement juste comme une autre non-Autochtone s’acquittant de son obligation de tenir compte du savoir autochtone dans son enseignement, comme d’autres membres de ma profession l’avaient fait avant moi.

Cette année par contre, je possède mieux le sujet et j’ai davantage confiance en moi quand vient le temps de transmettre des récits et de l’information sur les Autochtones, parce qu’ils ont acquis une signification personnelle pour moi. J’en ai saisi le sens à la suite d’expériences qui m’ont beaucoup touchée, comme des cérémonies et d’autres rencontres avec des ainés et des gardiens du savoir. Et j’ai découvert que je peux communiquer ça à mes élèves.

Je relate des récits autochtones de temps à autre, souvent au début d’une leçon pour piquer la curiosité de mes élèves. Je vois alors leurs yeux se braquer sur moi. Ils m’accordent toute leur attention, alors que, auparavant, ils griffonnaient, sans vraiment écouter ce que je disais. Ce changement de comportement tient quant à moi au fait que j’enseigne avec plus d’assurance, et cela aide les élèves à apprendre. Mes élèves savent que j’ai rencontré des ainés et des gardiens du savoir qui m’ont autorisée à leur communiquer ce que je sais. Ils sentent que je sais ce dont je parle. Alors, cela leur parait plus authentique. J’ai plus confiance en moi pour raconter des récits autochtones ou transmettre de l’information concernant ces peuples parce que j’ai eu de vraies interactions avec des ainés et des gardiens du savoir. J’ai pris part à certains processus d’apprentissage autochtones.

La semaine dernière, j’ai raconté une courte histoire sur la plume d’aigle, une histoire que le Waokiye (aide traditionnel en lakota) Don Speidel a contée récemment, lors d’une cérémonie hebdomadaire de purification par la fumée. L’histoire établit un lien entre l’aigle et le Créateur et illustre la puissance des plumes de la queue de cet oiseau. Un autre récit de la création explique d’où vient la queue brune de la belette. Je l’ai initialement entendu raconter par le gardien du savoir nakawē (saulteaux) Bob Badger lors d’une séance d’immersion culturelle que comportait le programme de perfectionnement. Je ne me souvenais plus de bon nombre des détails, mais j’ai fait des recherches dans Internet. J’en ai appris assez pour être en mesure de conter une petite histoire à mes élèves avec confiance.

Même quand je n’ai recours à aucun récit, mes élèves, tant autochtones que non autochtones, semblent plus enclins à s’investir dans ce que nous étudions. Ils réagissent bien à une classe où l’on prend en compte les perspectives culturelles.

Le cours de Sciences de 9année que je donne inclut déjà du savoir autochtone. Cependant, par suite de mes interactions avec des ainés et des gardiens du savoir, je m’aperçois que je ne m’en tiens plus à simplement transmettre ce que je lis dans le manuel de sciences. Je peux maintenant communiquer la signification que j’en retire, et les élèves le réalisent. Je personnalise le savoir autochtone contenu dans le manuel scolaire, en établissant un lien avec quelque chose que j’ai entendu dire par un gardien du savoir. Par exemple, j’ai dit à mes élèves avoir eu un entretien avec la gardienne du savoir traditionnel cri Judy Bear sur l’état actuel de notre corps, en général, et les fréquents problèmes de santé. Mme Bear a décrit l’interconnexion entre le Créateur, les plantes, les animaux et les humains, et comment les éléments nutritifs provenant de ces sources nous permettent, à nous, les humains, d’être en santé parce qu’ils sont transmis par chaque animal et que nous avons la possibilité de manger des plantes et des animaux. Elle a fait remarquer pourquoi il y a tant de problèmes de santé et un tel manque de bien-être dans notre société. D’après son explication, nous n’obtenons pas les éléments nutritifs des plantes et des animaux si nous ne consommons pas de la « vraie » viande. Quand nous mangeons des aliments comme des repas-minute, ce n’est pas de la « vraie » viande. Or, pour être en santé et survivre, il nous faut manger ce qui est la source des éléments nutritifs dont nous avons besoin. Quand je fais allusion à un entretien de la sorte, les élèves savent qu’ils obtiennent de l’information autochtone authentique, tant dans ce que je leur transmets que dans le cadre de la discussion sur la nutrition que comprend leur manuel scolaire en sciences.

J’aime dire des récits autochtones, en particulier aux élèves autochtones qui n’ont pas encore développé une forte identité culturelle. Si ces élèves tiraient avantage des cérémonies hebdomadaires de purification par la fumée qui se tiennent à l’école, ils pourraient se forger une identité, un moi encore plus riche à l’école.

En plus de faire des récits et de communiquer de l’information sur les Autochtones, j’ajoute occasionnellement une activité, comme une simulation ou un jeu de rôle, où on peut se servir de l’information d’une façon quelconque – ce qui crée un savoir expérientiel et personnalise l’information encore plus pour les élèves.

Pour Theresa, ses interactions avec des ainés et des gardiens du savoir ont précisé le sens de récits et de l’information sur les Autochtones, ce qui lui a donné plus d’assurance pour enseigner ce contenu autochtone dans ses classes de sciences. Or, les élèves perçoivent ce sens plus profond lorsqu’il est exprimé avec assurance, et cela a des effets notables sur leur apprentissage. Les élèves perçoivent que leur enseignant agit avec une sincérité qui les interpellent. Bref, le récit de Theresa illustre les avantages d’interactions avec les ainés et les gardiens du savoir pour les enseignants.

1G. Aikenhead et coll. (2014). Enhancing School Science with Indigenous Knowledge: What We Know from Teachers and Research. Saskatoon (Sask.) : Saskatoon Public School Division et Amazon.ca. (p. 1 et 2).